Le mode d’emploi de la Rupture Conventionnelle

S’il est un dispositif reposant avant tout sur la négociation, c’est bien celui de la rupture conventionnelle : ni licenciement de la part de l’employeur, ni démission venant du salarié, cette procédure dispose de son propre régime juridique. Cette pratique n’est certes pas nouvelle puisque licenciements à l’amiable ou autres départs négociés existent déjà depuis fort longtemps. La grande nouveauté repose sur son encadrement et sa clarification grâce à l’instauration de la rupture conventionnelle collective au sein du Code du travail dans le cadre de la réforme de ce dernier en 2017.

La rupture conventionnelle ne concerne que les salariés en CDI dans le secteur privé, même s’il s’agit d’un salarié protégé (délégué du personnel, délégué syndical…) ; ce dispositif ne s’applique donc pas aux agents de la fonction publique ni aux salariés en CDD. Il n’est pas non plus réservé aux grandes entreprises puisqu’il apparaît que pratiquement un quart des ruptures conventionnelles concerne des entreprises de moins de 10 salariés (TPE).

Les avantages de la rupture conventionnelle

Tant le salarié que l’employeur peuvent trouver leur compte dans une rupture conventionnelle. Pour le premier, c’est la possibilité de percevoir des indemnités de rupture plus importantes que dans le cadre d’une démission puisqu’elles sont au minimum équivalentes aux indemnités de licenciement légales ou conventionnelles. Elle lui permet en outre de bénéficier des allocations chômage, à condition bien sûr qu’il en remplisse les conditions d’attribution, alors qu’il n’existe que de rares cas de démission ouvrant ce droit.

L’employeur, quant à lui, profite d’une procédure beaucoup moins lourde que dans le cadre d’un licenciement obligeant à respecter des formalités et des délais très stricts. De plus les risques d’une contestation aux prud’hommes sont plutôt limités, contrairement à ce qui se produit fréquemment avec un licenciement.

Les conditions d’application de la rupture conventionnelle

Le critère indispensable à une rupture conventionnelle repose sur un commun accord des deux parties ; aucune d’entre elles ne peut l’imposer à l’autre. Les motifs sont divers mais les plus fréquents consistent en une situation conflictuelle entre employeur et salarié (mésentente, salaire ou contenu du travail ne convenant plus au salarié…) ou un désir de réalisation d’un projet par le salarié (création d’entreprise…).

Elle offre également une solution pour un employeur souhaitant se séparer d’un salarié mais dont le licenciement présenterait un risque juridique. Elle peut d’ailleurs être utilisée même si une procédure de licenciement est en cours. Quelle qu’en soit la raison, celle-ci n’a pas à être justifiée auprès de l’administration du moment qu’elle remplit les conditions juridiques imposées.

A noter que la rupture conventionnelle peut être conclue dans le cas d’un salarié en arrêt maladie (même faisant suite à une maladie professionnelle ou un accident du travail), en congé sabbatique, en congé maternité ou en congé parental d’éducation. En revanche elle ne concerne pas les départs à la retraite volontaires.

Le terme « commun accord » signifie que le juge peut annuler la rupture conventionnelle si le salarié prouve que son censentement n’était pas libre lors de sa signature, comme dans un contexte de pressions de la part de l’employeur ou de harcèlement moral pour l’inciter à choisir cette voie. Dans ce cas, le salarié peut alors percevoir les indemnités liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La rupture conventionnelle est interdite dans les cas suivants :

  • salarié déclaré inapte par le médecin du travail ;
  • vice du consentement ou conditions frauduleuses ;
  • plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ;
  • accord collectif portant rupture conventionnelle collective ;
  • contournement des garanties du salarié en matière de licenciement collectif.

La procédure de rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle comporte plusieurs étapes essentielles.

  • La proposition peut se faire oralement en l’absence d’obligation par la loi de proposition écrite. Mais si elle provient du salarié, il est conseillé à ce dernier d’adresser à l’employeur par courrier recommandé ou de lui remettre en main propre contre décharge une lettre de demande de rupture conventionnelle.

  • Un entretien minimum est obligatoire pour déterminer les conditions de la rupture. Pour chaque entretien le salarié peut se faire assister d’un salarié de l’entreprise, qu’il soit représentant du personnel ou non, ou d’un conseiller extérieur (appelé conseillé du salarié) s’il n’existe pas de représentant du personnel dans l’entreprise. Il doit au préalable informer l’employeur (oralement ou par écrit) de cette assistance.

L’employeur peut également être assisté, à condition que le salarié ait lui-même fait ce choix, soit par un membre du personnel au choix soit, dans le cas d’une entreprise d’au moins 50 salariés, par un membre de son organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche. Il est lui aussi tenu d’en informer le salarié.

  • Les négociations portent sur tous les éléments de la rupture et en particulier sur le montant de l’indemnité. Si la proposition de la rupture est à l’initiative de l’employeur, surtout si celui-ci opte pour cette solution en raison du manque d’arguments juridiques permettant un licenciement, le salarié est en position de force pour négocier un montant supérieur à l’indemnité minimum légale. A contrario, si c’est lui qui souhaite quitter l’entreprise, sa marge de manoeuvre est considérablement réduite : partant du principe que le salarié finira par démissionner, l’employeur proposera une indemnité particulièrement réduite.

L’une ou l’autre des parties peut tout à fait refuser la proposition. Si cette dernière vient de l’employeur, le salarié peut lui adresser une lettre de refus de rupture conventionnelle indiquant simplement qu’il ne souhaite pas entamer la procédure proposée. Il n’a pas a justifier son refus et ne peut en aucun cas encourir de sanction de la part de la hiérarchie. L’employeur non plus n’a pas de motifs à fournir s’il refuse la demande de rupture conventionnelle faite par le salarié. Dans un cas comme dans l’autre, il est toujours possible d’entamer de nouvelles négociations pour essayer de faire revenir l’autre partie sur sa décision.

  • Une convention de rupture conventionnelle est signée par l’employeur et le salarié si cette rupture est acceptée. Elle doit indiquer les conditions, plus particulièrement la date de cessation du contrat, le montant de l’indemnité et la durée du préavis si celui-ci est prévu. Un exemplaire de cette convention doit être remis au salarié sous peine d’annulation de la rupture et du versement d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les deux parties disposent d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires à compter de la date de la signature. Il est conseillé d’informer de cette rétractation par courrier recommandé avec accusé de réception pour éviter tout litige ultérieur.

Après le délai de rétractation, la convention est adressée à l’administration pour homologation. L’absence de réponse dans un délai de 15 jours ouvrables signifie que la convention est homologuée. En cas de refus de l’homologation, la décision doit être motivée. Si la rupture conventionnelle concerne un salarié protégé, elle ne donne pas lieu à une homologation mais à une autorisation de l’inspecteur du travail. Cette dernière est notifiée dans les 15 jours suivant la réception de la demande.

L’indemnité de rupture conventionnelle

Même si le montant de l’indemnité est librement négociée entre les deux parties, il doit être au moins égal soit au montant de l’indemnité légale de licenciement, soit au montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement si celui-ci est plus élevé que le montant de l’indemnité légale.

Le calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle se fait en fonction de la rémunération et de l’ancienneté du salarié et s’effectue de la même façon que pour l’indemnité de licenciement. S’ajoutent à cette indemnité les éventuelles indemnités de congés payés et de clause de non-concurrence.

La fin du contrat de travail

Jusqu’à expiration du contrat de travail l’activité du salarié se poursuit dans les conditions habituelles et durant cette période il peut prendre des congés payés. Le contrat expire à la date prévue dans la convention de rupture et l’employeur doit alors lui remettre les documents suivants : certificat de travail, attestation Pôle emploi et solde de tout compte.

La rupture conventionnelle permet de percevoir les allocations chômage quand on satisfait au conditions pour en bénéficier. Il faut savoir que Pôle emploi applique un différé d’indemnisation si vous avez perçu une indemnité de rupture supérieure à l’indemnité légale. Le montant de cette indemnité supra-légale est divisée par 91,4 et le chiffre obtenu correspond au nombre de jours de carence. Mais ce différé est plafonné à 150 jours depuis novembre 2017.